Mercredi comme un jeudi, mon coeur est toujours ouvert.

C’est la première fois que je viens. Et cet endroit, j’y ai pensé pendant des années. J’y pensais le soir, le matin, la nuit. Je venais venir le jour où tu serais prêt. Je ne sais pas si tu as remarqué ce temps d’attente comme nécessaire à tant de personnes. Je n’avais pas ce souci, moi je pensais que je t’attendais depuis longtemps, donc quand je t’ai rencontré, je n’avais pas envie d’attente. Mais toi, tu n’étais pas dans le même état d’esprit. Tu avais d’ailleurs perdu ton esprit. C’est la première fois que je viens pour te voir.
Maintenant que tu as récupéré ta tête,
ta tête qui t’avait abandonné sur le champ de bataille, de l’autre côté de la muraille.

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Elle est gaie. La surprise dans le Kinder est exactement ce qu’elle voulait. Elle se dit que c’était son jour de chance alors elle partit acheter des tickets de jeux au tabac de Richard, elle qui ne jouait jamais ! Et elle sauta en l’air : elle gagna cent euros juste de quoi s’acheter la paire de baskets dont elle avait envie depuis des mois. Et quand elle arrive au magasin, elle s’étonna de l’ouverture des soldes. Elle fit une économie de vingt-cinq euros. Avec elle put s’acheter un maillot de bain. Parfait ! Elle avait donné rendez-vous à Antony demain matin à la piscine des Tilleuls.

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Ils se réunissaient dans le bidonville, ils y étaient nés, ils y revenaient. Le chef était un petit bonhomme qui avait l’air de rien, genre habillé de loques. Sauf qu’il était un prince. Un vrai. Il les fédérait, avec l’étincelle de l’intelligence, celle qui écoute la pauvreté des uns, l’arrogance des autres. Car dans les deux cas, il s’agissait de la même quête : les uns et les autres demandaient de l’amour, sans même le savoir, car, pour la plupart, ils ne l’avaient jamais connu. L’homme était accompagné d’un dindon qu’il avait recueilli à la naissance. J’étais son escorte, et même si j’étais une fille, je n’étais pas son escort girl. Vous comprendrez. Je l’escortais. Seule la transcendance avait pu imaginer une telle association. Improbable, et pourtant magique et efficace. Les gars venaient des quatre coins du pays, le temps était venu de fronder.

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Le matin je vois la fumée du café danser au-dessus de la tasse. Sa volute disparait quelques secondes après. C’est dans ce mouvement que je reçois le message du temps qui passe, le temps s’incarne dans le dessin de la vapeur d’eau.
Le midi je sens les pommes qui se caramélisent dans le four, et leur enfonçant un couteau dedans, je teste la dureté de leur chair.
Le soir j’entends les frites qui sautent dans l’huile comme des enfants qui jouent à la marelle. Les patates découpées rigolent ; leurs rires me rappellent ces moments d’enfance où nous allions au bord de la plage, près de la jetée à la baraque à frites, baraque à frites qui est toujours là… Malgré les années qui ont passé.
Le soir j’entends mes souvenirs frapper à la porte.

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Ce samedi-là, Elisa passa plus de temps que d’habitude dans le grenier où elle se rendait tous les jours depuis que son être aimé avait disparu. Vers midi, elle avait vu un papier blanc dépassant d’un livre alors qu’elle époussetait l’étagère. Elle avait tiré dessus et reconnu son écriture, l’écriture de son cher… Avec un petit dessin. « Où tu seras, je serais, là où je serai, tu seras. » En-dessous, un petit dessin comme un plan, elle y reconnut la gare du village, la boulangerie… Elisa s’assit sur une chaise, son regard se perdit dans le ciel qu’un orage tentait d’envahir. Elle retourna le papier en se souvenant de sa voix, sa voix le matin et sa voix le soir, sa voix quand il la caressait, allongée dans l’herbe. Et, sur le verso du dessin, Elisa fut surprise par une date et une heure.
Des larmes montèrent en elle.
C’était le lendemain.