un crapaud dans la mare ?

Près de la fenêtre, je regarde la nuit et j’écoute le froid. Le temps disparait comme les battements de mon coeur ralentissent. Le silence m’enveloppe. Une ombre de l’autre côté de la vitre. Dedans. Une bougie va s’allumer, tout est présent, le passé a été englouti depuis que j’ai quitté le chef d’oeuvre en cours, et le futur n’est pas.
Cependant je le sais une bougie va être allumée. Elle s’inscrira en tant que premier moment du temps à venir.
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Un soir, le roi tapa à sa porte. Elle ne répondit pas. Il recommença, entendant le petit loquet. Il dit : « Ouvre-moi, belle fée. » Elle ouvrit et là, il la découvrit en larmes, elle toujours à fond, toujours sur le coup, toujours gaie. Il lui demanda :
– Que t’arrive-t-il ?
– C’est le soir.
– Tous les soirs ?
– Oui, mais entre si les pleurs ne t’effraient pas.
– Non, cela ne m’effraie pas. Dis-moi si je peux y faire quelque chose.
– Entre d’abord.
Il s’assied sur la liseuse, à côté de la cheminée.
– Tu me racontes ?
– C’est un sort que ma mère m’a lancée à quinze ans.
– Mais pourquoi qu’est-ce qui lui a pris ?
– Elle était en rage à l’époque.
– Et il n’y a rien à faire ? Un génie dans une lampe ? Un crapaud dans une mare ?
– Je serai délivrée le jour où j’embrasserai un homme que j’aime.
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J’aime tellement t’imaginer m’emmener dans une clairière en un début de mois de juillet. J’aime tellement le voir en image dans mon cerveau quand je ferme les yeux. Et la vivacité de ces visions conscientes et désirées est si vive qu’elle balaie la moisissure de ton absence. Car,
c’est une question de temps, l’absence
et non d’espace.
une question d’étirement temporel
et non d’une béance.
Tout de toi a acquis l’expérience.
C’est ainsi que j’aime cette clairière que j’ai créée mentalement pour t’y retrouver. J’y suis toute pleine de mon être, défaite de l’échancrure de la culpabilité qui a été la cause de tous mes malheurs. Les odeurs, cette sorte de pénombre douce, le tapis de mousse, mes poumons s’élargissent, alvéoles gonflées, c’est bon sans le poids de ces actes que je n’ai jamais commis, et qui me furent reprochés. Jour après jour jusqu’au jour où j’eus l’idée de disparaître de la terre. En moi résonnaient les litanies des listes ce que je n’ai pas fait. Ce que je n’avais pas fait.
Oui, je n’avais pas mis le pantalon rose, parce que je ne possédais pas de pantalon rose.
Oui, je n’avais pas versé d’argent sur le compte de cet individu parce que je ne possédais pas d’argent.
Oui, je n’avais pas menti à mon prochain, alors oui, les larmes étaient montées à mes cils, oui ma voix avait été douce face à la colère et le sourire n’avait pas quitté mes lèvres.
Oui, j’avais saisi mon crayon en vain, presque chaque jour pour y déposer de la poésie.
Oui, il n’y avait pas d’édifice suite à mon labeur, oui c’était quelques feuilles colorées.
Oui, ma mère m’en voulait de ne pas avoir su trouvé la sécurité, elle me chargeait de sa peur. �Alors c’était bien depuis toujours pourquoi on me disait que je devais être autrement que ce que j’étais.
Avec un pantalon rose, riche, salope avec cette feinte mièvrerie qui donne l’impression aux hommes d’être forts alors qu’ils ne savent qu’aboyer.