Vous allez enterrer les enfants que vous avez tués

Comment avais-je entendu ces longues déclarations structurées d’injustice ? Oui je n’avais pas mis le pantalon rose, parce que je ne possédais pas de pantalon rose. Oui je n’avais pas versé d’argent sur le compte de cet individu parce que je ne possédais pas d’argent. Oui je n’avais pas menti à mon prochain, oui les larmes étaient montés à mes cils en entendant la mauvaise parole, oui ma voix avait été douce face à la colère et le sourire n’avait pas quitté mes lèvres. Oui j’avais saisi mon crayon presque chaque jour pour déposer de la poésie. Oui il n’y avait pas d’édifice suite à mon labeur, oui c’était quelques pages colorées. Oui ma mère m’en voulait pour ne pas avoir su trouver la sécurité, et elle me chargeait de sa peur. C’était bien depuis toujours pourquoi on me disait d’être autrement que ce que j’étais. Avec un pantalon rose, riche et salope, avec cette feinte mièvrerie qui donne aux hommes d’être forts alors qu’ils ne savent qu’aboyer.

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Ils sont timbrés. Mais tout le monde s’en fout. Il n’y a plus le cri de la rage primaire pour hurler quand on nous maltraite. La peur a pris le dessus, la peur les mène par le bout du nez. Ils sont timbrés, mais vous n’allez rien dire. Vous allez enterrer les enfants que vous avez tués. Elle crut : « L’humanité va en mourir ! » Certes, oui. Mais ils s’en foutent car il n’y a plus dans leur cerveau la place pour envisager l’humanité, le fait que nous sommes reliés les uns aux autres et certains couinent comme quoi les gens sont bien individualistes. Et toi ? En vrai, quand as-tu fait autre chose que de nourrir ta névrose et ton aliénation ?

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Pendant que l’autre dormait, je me pris un Lexomil. Lumières éteintes, derrière le rideau. La substance agit vite m’entraînant à opter pour des pensées légères comme des bulles qui remontaient de je ne sais où. Leur légèreté qui venait du fait que je n’avais plus peur de ne pas réussir ce que j’entreprenais me berçait jusqu’à ce que je puisse rêver à nouveau, que ce que je faisais avait un effet positif. Je sortais ainsi de l’échec dans lequel je m’étais installée. Laissant l’autre dans les bras de Morphée, je partis acheter un ticket de Loto. Sans le dire à personne. Le Loto était un enjeu bien trop grand. Je sus me taire. J’apprenais à m’en foutre. Personne ne peut donc imaginer qu’elle fut la claque que je me pris quand je sus que j’avais gagné. Je ne le dis à personne, même pas à l’autre qui s’était réveillé sans rien me demander sur rien. Je partis acheter un poisson rouge avec mon pactole. Je décidai de méditer en le regardant jusqu’à ce que je trouve mon désir,
maintenant que j’avais du pognon. Je l’appelais Jésus-Christ. Dans mes rêveries, je me voyais sur un quai de gare dans une robe verte, toute moelleuse. Ca sentait le miracle, la fleur d’orange et je m’endormais dans une hutte sur une plage.

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Quand je suis rentrée à la maison, il n’y avait personne. C’était la première fois en trois ans. Pendant trois ans, à chaque pas que je posais sur le seuil de la bâtisse blanche, il était là.