Sans toi, je l’aurais fait

Sans toi, je l’aurais fait traverser la frontière, récupérer la voiture que tu avais laissée dans la cour de la ferme, la ramener plus au Nord, frapper à la porte des copains de Malik, tu sais, la porte de cette maison juste avant la digue, dans la rue pavée après le café où ils servent des gâteaux à la carotte. Mais, il y a eu ce cri dans la nuit, ce cri que je n’aurais jamais dû écouter. Sans ce cri, je l’aurais fait et en montant dans la voiture, je regrettai toutes ces fois où j’ai écouté les autres au lieu d’aller vers mon étoile, vers mon feu, vers cette arrivée au bout de la digue dans la nuit à laquelle je suis destinée.

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Une histoire qui finit bien, ça serait comment ? « Viens ! » Nous nous allongeâmes dans l’herbe, les yeux perdus dans les étoiles. «  Viens, imaginons l’histoire avec une belle fin. » Ma poitrine se souleva. Je n’étais plus habituée à envisager une belle fin, les épreuves nous avaient découpées en morceaux. Dans la nuit, j’entendis mon souffle doux comme une couverture qu’on prend contre soi pour se rassurer. Ça serait l’un de nous qui vient chercher l’autre. Y a une histoire de porte, de cliquetis, de démarrage, d’envolée, de voir s’éloigner le nuage noire de la fumée se dégageant des feux du chaos. Y a le son d’un klaxon : « Coucou, c’est moi. Je suis là. »

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C’était une question de fréquence. Il ne comprenait pas ce que cette fille lui répétait. Alors elle se dit que c’était un souci de fréquence dans le sens où le sens de certains mots ne lui parvenait pas. Comme si son cerveau avait un filtre. Il n’entendait pas ses fréquences qui, elle, la faisaient vibrer. Lui restait mou comme une poupée de chiffons. Elle s’engagea sur le chemin broussailleux, tant pis pour ses jambes nues. Elle pourrait toujours le perdre en se cachant derrière un séquoia. Car en plus d’être mou, il était lent. Et le temps qu’il se faufile dans les mauvaises herbes et autres lianes, elle trouverait le moyen de ramper. Il la suivit, n’esquivant pas les ronces qui marquèrent son visage. Quand elle distingua le château dans la brume, elle cacha le bonheur qui la submergea.

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Ça faisait des ondes régulières et c’était juste beau. Ce rythme l’apaisait. Ça lui donnait confiance. Le chien était revenu après l’hiver. Ça lui réchauffa l’âme. C’était au Moyen-Âge, l’Écosse, tu te souviens. Tu te souviens de sa chevelure rousse. Ça te faisait quelque chose. C’était éternel, cette sensation. Tu étais monté jusqu’au trône, derrière elle. Tu murmurais : « Mon coeur. » le sentant battre à nouveau. Tu pensais : « Mon étoile » sans jamais l’avouer. Tu n’oubliais pas la quête.