Un orang-outan chez moi

Des cercles barrés descendent du ciel et rebondissent sur la pelouse verte. Le vent est arrivé subitement un matin. J’eus peur de ce soudain emportement. Les feuilles déguerpirent en une seconde et nous plongeâmes dans une marée de berlingots, nous nous envolâmes dans des serpentins de guimauve.
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Aujourd’hui j’ai un orang-outan avec moi. Il m’a suivie jusqu’à la maison. Au départ, il était loin puis, il s’est rapproché. Quand je me suis retournée, j’ai cru que j’hallucinais, que j’avais bu trop de café, que mon mec échangé mon bout de cbd avec du shit. Je me suis un peu approchée et non, je ne rêvais pas : c’était bien un jeune singe exactement comme le tatouage d’Audrey. Ses grands yeux s’écarquillèrent. Il avait peur. Alors je lui parlai et me retournai pour continuer ma promenade. Et arrivée devant la porte de chez moi, je l’invitai à entrer. Il se laissa apprivoiser tout en gardant quelque temps son regard inquiet. Maintenant je le prends avec moi, c’est pourquoi aujourd’hui j’ai un orang-outan avec moi.
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Fred vivait dans la rue. La peur de perdre sa maison le tenait au ventre depuis si longtemps qu’il décida de la quitter pour enlever cette peur. Et à partir de ce jour-là, il fut heureux et il ne le dit à personne. Car il savait qu’ils voudraient le faire disparaître s’il avouait sa joie de ne pas avoir ce pourquoi tant de gens devenaient dingues. Personne ne savait où il allait se réfugier la nuit. Ça, c’était la quintessence de la liberté. Y a quelque jours Hannah lui avait confié son bébé et Fred aimait s’en occuper. Tout deux passaient des soirées ensemble, planqués du monde. Fred savait qu’Hannah reviendrait, mais il ne savait pas quand, il savait qu’elle était partie tuer son proxénète. Enfin !
Certaines histoires se résolvent ainsi. Par une balle dans la tête.
Quand elle revint, il lui proposa de s’asseoir à côté de lui.
Avant qu’ils se mettent à parler, il tint à l’emmener dans la station-service. Elle choisit une table près de la fenêtre, il la rejoignit en tenant un gobelet en carton dans chacune de ses mains.
– Vas-y, dis-moi.
– Te dire quoi ?
– Pourquoi tu ne l’as pas fait ?
– Comment tu sais que je ne l’ai pas fait ?
– Ton regard, ta démarche, ton odeur.
– Tout ça ?
– Raconte-moi.
– Sinon tu ne me rends pas mon bébé.
– Exactement.
Elle sourit, car elle sut que la prochaine fois, elle n’irait pas seule et qu’elle tirerait sur l’enfant de salope qu’elle avait fui après avoir rencontré Fred dans la même station -service.
– Je n’ai pas appuyé sur la gâchette car au moment où j’allais le dégommer, une petite fille est entrée dans la pièce. Et je l’ai regardée, ça m’a bloquée. Je ne pouvais pas le tuer, pas devant un témoin, encore moins une enfant.
– C’était la sienne ?
– Non, ce n’était pas la sienne.
– La tienne alors ?
– Comment tu sais ?
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Avant cette histoire de mains, tu avais commencé par les baisers. Des baisers rouges pour aller droit au but. Tu ne faisais pas d détour, pas dans tes actions. Je me souviens de cette abeille à ta chemise, et bien sûr, tu oserais la délicatesse à la prendre, car tu balançais cet éclat de rire, en te foutant de tout sauf des détails, sauf de la manière, tu m’achetais des espadrilles rouges, et tu approchais tes lèvres du col de mes robes, robes que tu tançais du regard, à notre époque, ça ne se portait pas tant que ça, les échancrures dans le dos. Nous usions le temps, filant comme une étoile filante, et ça faisait ud chaut, tu m’extirpais de ma solitude, tu arrachais les boutons de ma robe, tu arrachais les pétales de mes insomnies, tu défrayais la chronique.