Pas de détour

Je range ma maison avant que le printemps arrive. Une horde d’enfants va débarquer et je m’arrange pour cacher toutes les preuves de ta venue.
Je range le jardin où tu as planté des petits arbustes et des légumes pour que nous puissions manger des tomates cet été.
Je range ma voiture car le gitan vient la récupérer demain.
Je range la cabane au fond des bois, près de l’étang car la fille du voisin y vient le week-end prochain.
Je range ma tête car elle s’est mangé un coup.
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Cet homme est dangereux. Il a sauté sur la fille pour l’étrangler. Elle lui a mis un coup de pied dans les burnes et l’assomma avec un livre qui s’est trouvé sous sa main. Et ironie du sort ! Le titre sur la couverture écrit en jaune sur fond noir, c’était : « Cet homme est dangereux. » Il s’évanouit. Il aurait dû se méfier d’elle. Il ignorait qu’elle avait passé dix ans à tapiner. Et oui ! Pourtant ça se voyait dans son regard qu’elle avait un putain de vécu. Le principal souci de cet homme, c’est qu’il ne voyait pas les autres. Car, pourquoi lui avait-il sauté dessus ? Aucune raison. Juste son cerveau qui s’allumait de façon imprévisible et jamais il ne se posait de questions sur son attitude. Pourtant son dossier était épais. Elle se releva, en se dégageant de son corps. Elle prit son téléphone : « John, ça y est. Il est K.O. »
Puis,
elle alluma une cigarette qu’elle fuma à la fenêtre ouverte sur le lac majeur : un lieu beau et chiant. Tout ce qu’elle aimait. John débarqua avec son acolyte. Ils ficelèrent l’homme et l’embarquèrent. Un homme se croyant dangereux devrait toujours se méfier d’une inconnue qui l’accoste.
Elle rit et se servit un double whisky. Ça, c’était fait.
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Avant cette histoire de mains, tu avais commencé par les fleurs. Des fleurs rouges pour aller droit au but. Tu ne faisais pas de détour, pas dans tes actes. Je me souviens de cette fleur à ta chemise, et bien sûr, tu oserais la chemise à fleur, car tu balançais cet éclat de rire à la vie, en te foutant de tout sauf des détails, sauf de la manière, tu m’achetais des fleurs encore et,
tu approchais tes lèvres du col de mes chemises, chemises que tu tançais du regard, à notre époque, ça ne se portait pas tant que ça, les chemises. Nous usions les trains, filants comme notre train de vie, et ça faisait du chahut, tu m’extirpais de moi, tu arrachais les boutons de ma chemise, tu arrachais les pétales des fleurs, tu défrayais la chronique.
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Un homme dont le col était relevé se détacha du platane ; elle reconnut son père. L’enfant lâcha la main de sa mère et courut vers lui. Elle détourna le regard. Évitant la vision de l’effusion. Ils ne s’étaient pas vus depuis dix ans. Elle ignorait comment il les avait retrouvés. Elle était partie sans laisser d’adresse. Elle avait quitté la ville sans prononcer un mot. Et là, les bras ballants, elle se demanda comment son fils avait eu cet élan, en une seconde. Ce pouvoir de cet homme sur son petit, elle en frissonna.