Retournons à la vie

Quand j’étais une planète, je prenais soin des rayons du soleil et je tournais en toupie autour d’une autre planète. Tout ça mûe par la conviction que c’était en vain. Personne ne nous avait révélé la raison de cette miraculeuse harmonie. J’avais envie de savoir. Mon amie m’invita à regarder un jeune homme : « Il t’a regardée de là où il est, il t’a guettée, puis il t’a attendue. »
Et alors ? Elle dit : « À toi de le regarder. » Le jeune homme semblait guéri.
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Retournons à la vie, la vie qui nous a été prise ce matin d’automne où les flics sont arrivés alors que nous étions planqués dans cette maison depuis quatre ans.
Retournons à la vie, la vie qui nous avait été promise quand nous étions entrés dans cette armée.
Retournons à la vie, la vie que nous avions prise à certains pour notre liberté,
pour défendre notre langue,
cette langue unique, toi qui m’avait dit : « Notre langue, c’est nous. »
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Ce jeune homme est joyeux et taquin. Car il sait que c’est un réel défi de poser sa joie dans la grisaille de cet hiver teinté du bleu des masques qui ne servent à rien qu’à vérifier notre docilité.
Il me rappelle cet homme que j’ai rencontré loin de tout dans un endroit digne d’Alcatraz et qui souriait tout le temps l’air de dire : « Ils n’auront jamais mon sourire » et quel sourire ! Il gardait en lui une éternité, un je ne sais quoi de pichenette au passage du temps, une innocence nécessaire à la résistance au cynisme ambiant. Par ce clin d’oeil, le jeune homme te dit : « Ne t’en fais pas. » La joyeuseté est une arme de courage, elle te permet de garder la foi et l’énergie, et de se faufiler entre les gouttes de pluie.
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Tu pleures. Es-tu triste ? Que t’est-il arrivé ? Tu as une bouche en coeur qui est un appel à la vie. Qu’est-ce qui peut te faire souffrir alors que tu arbores tes lèvres en forme de brioche , comme si la vie était moelleuse, comme si la vie pouvait être facile.
Je sais on cache les larmes, car la tristesse est interdite, comme si les émotions étaient bannie.
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L’homme lui prit la main droite sous la table. Elle lui dit : « Ta peau est sèche. » C’était un endroit où on n’avait pas le droit de se toucher. Les surveillants y veillaient. On ne se touche pas, on ne se touche pas le bout des doigts. L’homme lui prit la main et elle avait souri, car c’était comme aux jeunes âges où se prendre la main, c’était important.
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Si quelqu’un met ses pas dans les miens, il ira sur le chemin de la forêt pour me trouver. Les pas ne sont visibles qu’à certains. Ce sont les pointillés qui mènent à l’autre, l’autre dont on voit les pas. J’ai fait beaucoup de route pour aller à l’autre. Puis, je me suis installée dans les bois. J’avais arrêté d’attendre, j’avais arrêté de suivre des pointillés, des pointillés comme des points de suture, comme si le lien à l’autre pouvait recoudre ce qui avait été défait et coudre ce qui n’avait pas été cousu. Comme si mettre son pas dans les pas de l’autre pouvait tisser un lien, un lien vrai.
Le docteur lui tendit l’ordonnance en l’enveloppant d’un doux regard. Il prit la feuille de ses bouts de doigts ensanglantés. Il avait escaladé le mur jusqu’aux barbelés. C’était qu’il voulait s’évader pour aller jusqu’à la montagne. Ils l’avaient repris, ils lui avaient rasé les cheveux et maintenant il regardait la télé.