Demain

Demain il reviendra après être parti en croisades. Doucement il me prendra tout contre lui. Moi aussi je serrerai comme depuis toujours que nous nous connaissons. Vaillamment, nous avons accepté notre destin.
Demain il ouvrira la porte, mû par cette force qui fait de lui mon être unique.
Demain je vais lui préparer une chorba, avec quelques feuilles de coriandre. Calmement, il s’assiéra et retirera ses bottes.
Demain c’est notre jour. Pour toujours.

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Mon cher hurluberlu, mon grand fou,

Il est hors de question que je vous ferme ma porte. J’adore vos blagues et votre façon de vous montrer si affecté par le frémissement que vous prétendez avoir ressenti lors de notre dernière promenade. C’est vrai, je suis d’accord avec vous, vous me l’écrivez sottement et ça ne va pas dans le bon sens toute cette bêtise. Reprenez-vous donc. Que nous puissions prochainement aller boire un chocolat chaud au château et que je puisse enfin vous voir tout nu.

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Si je n’avais pas su que c’était l’amour, je l’aurais tué. Parce qu’il a surgi de nulle part, il n’avait pas frappé à la porte, le filou. Sa beauté, ses gestes à l’envergure d’aigle, son regard brillant de bonté, ses habits noirs le serrant à sa peau brunie par le soleil firent que mon coeur se mit à battre à un rythme que je ne lui connaissais pas. Si je n’avais pas su que c’était l’amour qu’il apportait, je lui aurais tranché la gorge. Mais j’ai su. Et comment savoir quand on n’a pas connu le phénomène ? J’ai su parce que j’avais suspendu la peur. Suspendre la peur pour le regarder cet inconnu, tout entier dans sa folie d’y croire.
Je ne l’ai pas tué, il s’est assis et s’est mis à pleurer.

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Je suis repartie très heureuse, persuadée que rien ne pouvait s’opposer à la tombée de la nuit. Et qu’ainsi je pourrais me camoufler dans les recoins de l’obscurité. Ce bateau, je le prendrais quand je le prendrais. Là, je me blottissais dans un petit coin, à l’abri des regards. Comme le temps passait, je me mis à sentir ma respiration. Elle se diffusait tel un parfum. Non, lune ne vient pas. Respirer, ça ne fait pas de bruit.
Alors,
sur ces quais aux parvis luisants, mais secs, avec le sifflement des fils sur les mâts, le temps s’arrêta.

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Je souris. Lui faire mal, c’était l’enlacer avec douceur, lui déposer un baiser sur sa peau tendre à quelques centimètres de ses blessures. Il s’était retourné : recroquevillé, les cicatrices à nu, et, implorant de son regard qu’il avait brillant et franc, avait prononcé alors que je m’avançais, tellement lentement vers lui que l’émotion le surprit : « Ne me touche pas, sinon on ne s’en remettra pas. »